Tout le temps, il y a eu les yeux. Moi et pas moi à la fois. Ils m’ont regardée, m’ont questionnée, m’ont demandé si ce que je vivais était réel. Et longtemps je n’étais pas sûre de la réponse.

Il y a eu le fait de penser que des visages se cachaient derrière d’autres. Que les gens mentaient. Qu’ils n’étaient pas qui ils prétendaient être. Que des gens qui avaient disparu de ma vie tentaient de revenir. Avec de nouveaux pseudos. De nouveaux médias. De nouvelles têtes. Je ne sais pas. Mais elles n’avouent jamais.

Je me suis toujours sentie seule. Toujours. Et rarement, j’en parle. De ce que c’est à l’intérieur. Des rares gens qui ont su voir, mais qui ne me parlent tellement plus que je me demande s’ils ont existé. J’ai cru être un alien. Un robot. J’ai gratté ma peau. Que du sang. Qui me mentait, comment ? Mes parents étaient dans le coup ?

Et j’ai tenté de fuir, aussi. Mais ni à l’école ni à la maison, les poings ne laissaient leur place à la fuite. Alors j’ai menti. Beaucoup. Beaucoup beaucoup. J’ai tout caché.

Les yeux, ils grouillent un peu partout. Pendant longtemps, ils grouillaient à l’extérieur. Ceux des autres, armés, douloureux. Je n’osais rien faire. Jamais. Même pas parler. Si bien que j’en avais oublié comment faire. Dans l’intimité, on me demandait de parler. De montrer la mélasse en moi. Et je n’y arrivais pas. Et je ne le faisais pas. Puis ils sont venus de l’intérieur. Des voix. Celle qui chante l’opéra quand je me douche. Des frelons qui veulent pondre dans mes oreilles quand je dors. Du corbeau en bois qui tente de prendre possession de mon corps.

Mais là encore, rien.

Jamais rien.

J’ai besoin de vos échos. Savoir que je ne suis pas seule. Parlez-moi.