Ils ont leur jolie droite sur le bitume, discontinue, prétracée du sang de leurs ancêtres. Alors je regarde mes jalons, un à un, et chacun semble inatteignable. Si je n’avance pas, si je n’ai ni projet ni ambition, c’est car je suis déjà morte. Le genre de phrase qu’on écrit sur son agenda au collège. Le corps a déjà cédé, dans ma tête, il ne reste plus qu’à coucher le dessin.
Non, je ne veux pas. Et non, je ne peux pas. Et chaque monceau me rappelle cette triste réalité : je ne vais nulle part. Pour quoi faire, au fond ? Je préfère m’éteindre après une intense colline qu’après une morne montagne. Et si je sais que cette bouillasse ne peut pas faire de gagnant, je peux au moins profiter de la partie avant de la perdre.
Vous savez, au fond, je vous envie. De parvenir à continuer, jour après jour, la morosité et ses rebondissements. La vérité, c’est que je n’ai ni l’intensité ni la longueur. Je n’ai rien et j’attends. J’attends la fin, et puis peut-être une raison de l’éloigner légèrement. Mais c’est la même chose, à toujours être le déchet de quelqu’un, on finit par s’y plaire.