Si on venait un jour me demander « Quelle est ta couleur préférée ? » je répondrais « Mauve ». On y verrait une couleur, probablement rien de plus. Qu’attend-on d’autre lorsque l’on pose la question ?

Par le passé, j’ai pu répondre « Rouge », « Noir », « Jaune » ou « Blanc ». Beaucoup s’accordent à dire que le blanc et le noir ne sont pas des couleurs. Ce n’est qu’à moitié vrai. Cela peut être vrai lorsque l’on parle de lumières, par exemple, mais faux si l’on aborde la peinture. La question ne donnant pas cette précision, j’ai décidé qu’elles étaient des couleurs. Rouge et noir allaient ensemble, à une époque. Comme le sang et les ténèbres, la rouille et la nécrose. Deux couleurs qui s’embrassent et se mélangent. Jaune, je n’ai jamais vraiment su. Je la trouve agréable, apaisante. Je la choisis lorsque je joue, prétextant que « c’est la couleur des cocus », avec un sourire cassé. Mais en fait, je l’aime bien. Quant au blanc, il vient d’une époque de néant, de recherche de soi. Là où on n’est plus rien, où on nage dans les limbes.

Aujourd’hui, c’est mauve. Mauve, c’est l’acceptation, la paix, la tranquillité. Mauve, c’est un monde. Un monde à part, sans violence, sans discrimination, sans oppression. Un monde utopique, diront certains. Et oui. Mauve, c’est aussi le rêve. Mon mauve à moi, c’est ce monde.

Mauve, c’est l’angoisse évaporée. C’est la possibilité de demander et de faire. C’est oser se moucher en public, manger son repas dans un train, dire que la musique est trop forte, qu’on ne veut pas faire quelque chose, qu’on a peur. C’est ne plus penser que notre présence gêne, qu’on nous veut du mal à chaque instant, qu’on nous en veut à chaque pas de travers, à chaque souffle trop prononcé. C’est ne plus perdre ses moyens face à la foule, arrêter de voir une arme dans chaque regard, oser se vêtir et se parer comme on le souhaite.

Mauve, c’est la fin des hommes et des femmes. Il n’y a que des individus, sans la pression des normes. Les genres disparaissent, les gens restent. Et sans référent imposé pour exister, chacun est simplement ce qu’il souhaite. Aucun jugement ne vient noircir son parcours.

Mauve, c’est l’absence de discrimination et d’oppression. Personne ne s’attaque au poids, à la couleur de peau, à la sexualité, aux maladies, aux sexes, aux facultés, au physique, à l’âge ou aux composantes des personnes. Toutes les valeurs de ces courbes se valent, désormais.

Mauve, c’est l’amour qui ne s’assume pas. L’amour qui déborde, mais se cache. L’amour qu’on veut montrer, qu’on veut dire, mais qu’on tait de peur qu’il ne signifie trop.

Mon monde à moi, c’est ce mauve. Celui qui me fait tenir debout. Alors, si on me pose la question, je répondrai « Mauve ».