La mémoire est un sacré mystère. Ysongre vit dans ma tête. Il prétend beaucoup de choses. J’essaie de l’accepter, mais il ne me rend pas les choses faciles. J’ai déjà parlé de Selim, si ça vous intéresse, je vais creuser un peu plus loin.
Ysongre s’est montré, il y a quinze jours. Il se cache depuis toujours, je crois. J’apprends à comprendre ma tête. Ce que je sais, c’est que récemment, il m’a autorisée à le voir. Il prétend avoir créé presque tous les alters (à l’exception de Valène, elle vient de moi). Avec du recul, c’est possible. Il a toute la mémoire et est donc capable de switch à loisir, de prendre le masque qu’il souhaite. Les alters existent cependant par eux-mêmes et ont aussi leur propre indépendance. Je pense que les traumatismes de mon enfance m’ont scindée en plusieurs (la violence de mon père, le harcèlement toute ma scolarité, etc. Grandir a été compliqué même si ma mère prenait soin de moi comme elle pouvait). Je le réalise depuis peu.
Quand une situation est trop dure à gérer, qu’elle soit présente ou liée à des souvenirs traumatiques, mon cerveau crée une nouvelle case. Je me gère plutôt bien, alors ça explique probablement pourquoi seule Valène découle de moi. Ysongre, lui, galère à exister, ce qui expliquerait pourquoi il s’est autant divisé.
Depuis toute petite, j’ai deux facettes. J’ai beaucoup menti dans ma vie. Beaucoup quand j’étais jeune. Très peu depuis quelques années. J’ai souvent du mal à m’en rappeler, mais quand c’est le cas, je l’avoue. Car j’essaie de faire le bien autour de moi, de prendre soin des gens qui m’entourent, je pense souvent à moi en dernier. Avoir un TDI, c’est oublier des choses. Donc oublier qu’on a un TDI, forcément. Souvent, j’oublie, alors je doute que ce que je vis soit vrai. J’ai peur de tout inventer. Ysongre se rapproche, alors je me souviens de plus en plus vite.
J’ai toujours détesté faire du mal à autrui, y compris aux animaux. Je voulais être vétérinaire, enfant, j’ai cessé quand on m’a parlé de l’euthanasie. Je ne voulais pas faire ça. Je me rappelle aussi avoir vu des animaux être tués pour des moments de convivialité, après avoir été offerts lors de mariages, lors d’une retrouvaille entre collègues de travail ou lorsqu’on a été voir un ami de mon père qu’il n’avait pas vu depuis des années. Parfois, je refuse catégoriquement de les manger, car je ne veux pas participer à la souffrance.
Ysongre est différent. Ne pas faire de mal, il apprend. Il aime la viande, comme Selim donc, ce qui fait sens s’il l’a créé. Il a plutôt tendance à prendre soin de lui. Il veut tout, dit-il parfois. Je crois qu’il veut juste être aimé. Il n’aime pas qu’on lui dise non, mais il sait le respecter. Il ressent les choses beaucoup trop fort et ça lui fait mal, quand il ne dissocie pas. Et quand il souffre, il cherche une porte de sortie pour s’apaiser puis disparaît. Peut-être car se souvenir de tout veut aussi dire qu’il porte les traumatismes.
Que dire d’autre sur lui ? Il est curieux. Il veut comprendre comment pensent et fonctionnent les autres. Il aime jouer. Il aime la compétition. Il aime le glauque. Qu’on le voit. Qu’on prenne soin de lui. Être aimé. Il ne supporte pas l’abandon. Il ne supporte pas la frustration et est très peu patient, alors il fonctionne par pulsions. Quand il veut quelque chose, il le veut tout de suite. Il cherche une façon de l’obtenir en essayant de ne pas faire de mal aux autres, mais il n’y arrive pas toujours et on répare ses erreurs comme on peut. Il a sa fierté. Il a besoin de tout ranger. De gérer ce qui prend de la place dans sa tête. Renvoyer les objets qu’on a depuis longtemps et qui ne sont pas à nous. Car le corps a peu d’énergie mais il est important de libérer l’espace mental quand c’est possible. Un sacré égo, hein ? Et plein de TOCs.
Son nom, ce n’est pas lui qu’il l’a choisi. Si je l’ai bien décrit et ne me suis pas trompée, alors la suite va vous paraître logique. Il voulait un nom. Il le voulait vite. Ça l’obsédait. Il a demandé à la relation qu’il considère la plus importante de le choisir pour lui. Alors la personne en question a cherché, l’a trouvé, puis a compris pourquoi elle l’avait choisi.
Ces derniers jours sont très compliqués. Forts en émotions. Alors, forcément, je switch plus que d’habitude. J’imagine que c’est logique. Je viens de prendre mon premier rendez-vous pour faire de l’EMDR. Je ne sais pas ce que ça va donner. Ça va être dur, il faut que j’aille jusqu’au bout. Il en a besoin. Moi, probablement moins. Mais on partage le cerveau, alors, au final… on en a besoin.
J’ai essayé de ne pas m’éparpiller, j’espère que le texte sera digeste. J’avais besoin de le poser. À bientôt de nouvelles aventures.